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Marque, culture et espace de travail

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Qu’est-ce qui prime : la culture ou la marque ? Dans le « village mondial » hyperconnecté où nous vivons aujourd’hui, cette question ne mérite presque plus d’être posée.

La marque et la culture d’une entreprise coexistent dans une relation quasi-fusionnelle, c’est pourquoi elles se forgent mutuellement et sont le reflet l’une de l’autre, au cœur d’un système interconnecté. L’une ne peut changer sans l’autre, elles ne peuvent évoluer qu’ensemble, et l’espace de travail représente précisément le lieu où tout se joue.

Dans cette relation symbiotique entre la marque et la culture, la marque pourrait s’apparenter à l’expression de l’ADN de l’entreprise, la culture, à son fonctionnement interne. La culture de l’entreprise est au centre des débats du monde professionnel depuis des années, mais l’émergence de la marque comme sujet de discussion chez les hauts dirigeants, est un fait relativement nouveau pour de nombreuses entreprises. Bien entendu, les géants tels que P&G et Coca-Cola placent leur marque quotidiennement au cœur de leur action, mais dans les entreprises moins prestigieuses, la marque est généralement confiée au département marketing. Néanmoins, sur un marché concurrentiel où le choix est vaste, les entreprises prennent conscience du caractère vital de la différenciation et réalisent qu’une marque solide permet de sortir du lot.

Bien que la marque soit aujourd’hui davantage au centre des débats que par le passé, il existe néanmoins plus de confusion sur sa définition réelle. Cela est dû en grande partie au fait que les concepts relatifs aux marques ont beaucoup évolué depuis l’époque des grandes enseignes sur les grands boulevards. Aujourd’hui, les experts s’accordent sur l’idée que la marque n’est plus un élément que l’on peut appliquer sur la façade d’une entreprise, comme s’il s’agissait d’une vulgaire impression sur un morceau de cuir ou d’un simple slogan accrocheur d’une publicité. Les marques les plus solides sont celles qui se développent de l’intérieur. La frontière entre culture et marque se rétrécit et s’estompe, au point de n’être plus tout à fait visible. Et si une entreprise souhaite changer sa marque, elle doit se demander si sa culture peut tolérer ce changement.

L’espace de travail est un levier souvent ignoré mais indispensable dans la prise en charge d’un changement de marque et de culture. C’est ce qu’a montré une récente étude sur 123 responsables d’immobilier d’entreprise, menée par CoreNet Global. Les résultats indiquent que 77 % d’entre eux estiment que la marque est un moteur essentiel pour leur entreprise ; cependant seuls 54 % ont affirmé que l’espace de travail jouait un rôle indispensable en la matière et 15 % seulement ont reconnu que leurs équipements reflétaient « parfaitement » leur marque.

Lorsqu’un changement de culture provoque un réel drame (parfois littéralement, parfois au sens figuré), alors l’espace de travail en est le théâtre. Steelcase a étudié ces problématiques via des recherches principales et secondaires, en plus des études sur site auprès des clients, et l’entreprise utilise même ses propres espaces comme un véritable laboratoire vivant. En collaborant avec des architectes, des designers et des entreprises du monde entier, le groupe de conseil et de recherche appliquée de Steelcase (Applied Research & Consulting) et les équipes de WorkSpace Futures développent de nouvelles connaissances sur la relation étroite et en pleine mutation qui existe entre culture, marque et espace de travail. Ce livre blanc expose les enseignements que nous avons tirés sur le rôle de l’espace de travail dans la construction de la marque et de la culture d’une entreprise. Il étaye, d’autre part, notre conclusion, à savoir qu’il est pratiquement impossible de changer la culture ou la marque d’une entreprise, de manière significative, sans modifier également l’espace de travail.

COMBLER LES LACUNES EN MATIÈRE DE MARQUE

Même tout récemment, la relation entre espace de travail et création de marque était souvent ignorée ; la norme étant de placer quelques logos ici et là et de créer un hall d’accueil impressionnant pour les invités.

Selon l’étude menée par CoreNet, la plupart des responsables immobiliers considèrent toujours les façades extérieures de leurs bâtiments comme l’atout le plus important pour communiquer leur marque (2).

OÙ VOTRE MARQUE SE REFLÈTE-T-ELLE DANS VOTRE ESPACE DE TRAVAIL ?

De plus, les logos et les publicités représentent toujours le principal moyen d’exprimer la marque au sein de l’espace de travail. Parallèlement, 50 % d’entre eux sont conscients du fait que le design de l’espace de travail, dans sa globalité, représente un outil puissant, permettant d’encourager les comportements adaptés à la marque (3).

COMMENT VOTRE MARQUE S’EXPRIME-T-ELLE DANS VOTRE ESPACE DE TRAVAIL ?

Par son influence considérable sur nos comportements (notre humeur, nos échanges avec les autres, notre productivité), l’espace joue un rôle très important pour la culture et donc pour la marque de l’entreprise. En reconnaissant que l’espace de travail dans sa globalité représente un moyen d’optimiser ou de redéfinir positivement leur culture, les entreprises peuvent réagir face à la dynamique de la globalisation dont l’évolution est très rapide. Elles peuvent aussi faire face aux nouvelles technologies, à la présence et à l’influence de la génération Y, à la réduction de l’espace immobilier, à la crise et à d’autres défis opérationnels et commerciaux. L’idée selon laquelle les marques seraient aux mains des commerciaux repose sur des pratiques obsolètes datant d’un demi-siècle.

Aujourd’hui, la construction d’une marque nécessite l’engagement de tous, du P-DG aux employés à salaire horaire, en passant par les consultants. Pourquoi la marque est-elle aujourd’hui au centre des discussions dans les entreprises ? Selon les analyses, il existe trois raisons principales à cela. Tout d’abord, les consommateurs ont trop de choix et trop peu de temps pour se décider. Lorsqu’ils sont face à une pléthore de possibilités, les acheteurs se tournent vers une marque de confiance, avec laquelle ils ont eu une expérience positive. Deuxièmement, bien que les entreprises rechignent à le reconnaître, la plupart des produits sur le marché ont une qualité et des fonctionnalités similaires. Quelle que soit leur rapidité d’innovation pour se maintenir en tête, sur le marché, les entreprises découvrent souvent que les caractéristiques des produits sont faciles à imiter ou à copier. Enfin, les gens ont tendance à baser leurs décisions d’achat sur la confiance et l’émotion. Nous justifions nos décisions par des arguments rationnels, mais en réalité, nous pensons aux sentiments que les produits et les entreprises suscitent en nous, la véritable question étant « Est-ce que cet achat me fait du bien ? ».

L’un des plus grands théoriciens des marques actuels est Marty Neumeier, auteur de l’ouvrage The Brand Gap, Zag, and The Designful Company. M. Neumeier démystifie le concept selon lequel la marque serait essentiellement véhiculée par un logo ou une campagne publicitaire, qui ne représentent que les symboles ou les identifiants de la marque. De plus, la marque n’est pas un programme d’identification de l’entreprise, ni un nom à apposer sur un produit ou un service (4). La marque reflète l’identité de l’entreprise, les valeurs qu’elle prône et la façon dont elle répond aux besoins et aux attentes des personnes. En un mot, la marque d’une entreprise est sa réputation. Il s’agit de l’expérience globale de tout individu avec une entreprise.

La grande diversité de lieux et de modalités d’interaction des entreprises avec leurs clients se caractérise par les différents « points de contact », qui incluent aussi bien la conception des produits que la personne derrière le standard téléphonique. Tous ces points de contact ont une influence sur les sentiments que suscite en nous une marque. Pourrait-on imaginer pénétrer dans Disneyland crasseux et rencontrer un Mickey Mouse acariâtre ? Il faut bien comprendre que les grandes marques ne le deviennent pas par accident. Elles savent qu’elles doivent penser à tous les aspects de leur activité, pas simplement au marketing ou à la publicité. En réalité, dans l’économie actuelle, les investissements traditionnels en faveur des marques pourraient même être moins importants.

Par exemple, le magasin en ligne Amazon, l’une des marques les plus solides au monde, se garde bien d’étaler son logo partout. L’entreprise dépense très peu en stratégie marketing traditionnelle, telle que les salons, les publicités à la TV ou dans les magazines. En revanche, elle concentre ses ressources sur la technologie, les options de livraison et autres investissements qui sont rentabilisés par une simplicité d’utilisation et une expérience d’achat agréable (5).

Elle est consciente du fait que sa marque repose avant tout sur l’expérience des utilisateurs. Starbucks est un autre exemple bien connu d’entreprise qui a « compris » l’idée de marque globale. L’entreprise fait largement appel à des publicités conventionnelles, mais elle consacre également des ressources considérables pour les produits, les services, l’expérience au sein des espaces Starbucks et même pour la musique que les clients entendent lorsqu’ils franchissent le seuil.

En privilégiant l’expérience globale des clients, l’entreprise parvient à convaincre des milliards d’êtres humains chaque jour, que cela vaut la peine de dépenser un peu plus pour le café. Starbucks et Amazon ont compris ce qu’attendent les clients et ce qui leur importe le plus, et ont su l’intégrer à leur marque. Mais de nombreuses entreprises peinent encore à dynamiser leur marque. Des travaux particulièrement intéressants menés par Forum Corporation montrent que les consommateurs ont une perception souvent très différente de celle de nombreuses entreprises, concernant les éléments les plus importants dans leur expérience. Plus particulièrement, il existe un fossé entre la perception des consommateurs et celle des entreprises sur l’intérêt des publicités et des promotions.

Selon l’étude, il existe également un fossé concernant la perception de l’influence qu’ont les employés d’une entreprise sur l’expérience globale des clients : elle serait très forte selon les clients et très faible selon les entreprises.(6) De même, les chercheurs de Steelcase se sont lancés, il y a cinq ans, sur un projet, au nom de code EXP, afin de mieux comprendre l’expérience globale des clients par rapport à la marque de l’entreprise. En identifiant les points de contact majeurs, ils ont découvert qu’une grande diversité de facteurs influait sur l’expérience des clients, notamment le service clientèle, les outils de planification, les showrooms, le site web et les démonstrations de produits.

 

10 PREMIÈRES MARQUES, 2009

  • Coca-Cola
  • IBM
  • Microsoft
  • GE
  • Nokia
  • McDonald’s
  • Google
  • Toyota
  • Intel
  • Disney

Source : Interbrand

 

LES PLUS GRANDES MARQUES NAISSENT À LA MAISON

Dans un monde interconnecté, riche en réseaux sociaux et de plus en plus transparent, la marque ne représente plus l’affirmation de l’identité d’une entreprise. C’est en réalité le marché (c’est-à-dire les personnes qui le composent) qui définit une marque selon sa propre expérience. Grâce à Internet, aux réseaux sociaux, à YouTube et à de plus en plus de bouche à oreille, presque toutes les facettes des entreprises et de leurs marques passent obligatoirement au crible de l’opinion publique.

Rien d’étonnant alors, que face à un examen si poussé, les marques perdent totalement la confiance des consommateurs. « La confiance de la société envers ses institutions, ses entreprises et ses leaders a été sérieusement ébranlée par les scandales et les trahisons, qu’il s’agisse des fautes commises par nos banques d’investissement, des bactéries tueuses dans les germes de soja ou du dopage dans le milieu sportif. Les unes après les autres, ces révélations ont ruiné la crédibilité des entreprises, en ne laissant que peu de marques indemnes. » Il s’agit là de la conclusion d’une étude récente portant sur 900 marques mondiales et les données produites montrent un déclin notable dans la confiance accordée aux marques, au cours de la décennie écoulée.

De même, l’enquête annuelle d’Interbrand sur la valeur des marques publiée dans Business Week montre que la valeur totale des 100 premières marques a décliné en 2009, comme celle des 10 premières, et ce pour la première fois depuis le début de cette étude, c’est-à-dire en 10 ans. Jez Frampton, P-DG d’Interbrand, attribue ce déclin à une perte de confiance qui a débuté avec les institutions financières et qui s’est rapidement propagée à d’autres milieux. Le classement annuel d’Interbrand repose sur le montant du chiffre d’affaires attribuable à une marque, calculé à l’aide d’une formule qui prend en compte les capacités futures de la marque et son rôle dans la création d’une demande. Il va sans dire que, désormais, regagner la confiance des consommateurs est une priorité absolue.

Cette réalité implique également que la culture est plus importante que jamais pour créer des marques solides et authentiques. Aujourd’hui, les entreprises les plus prospèrent n’utilisent plus leurs marques pour créer uniquement de la demande sur le marché. Elles ont aussi conscience de la valeur considérable qu’elles peuvent véhiculer lorsque la marque est ancrée dans l’esprit, les comportements et les prises de décisions des employés. En 2008, Howard Schultz, le PDG de Starbucks, de retour à la tête du groupe, a compris l’importance de la fidélité envers la marque et la culture de l’entreprise, tout en y amorçant un tournant financier. Il a, par exemple, fermé les boutiques pendant trois heures et demie pour former à nouveau le personnel et a décidé de poursuivre la tradition de Starbucks, c’est-à-dire offrir des avantages aux employés, malgré les fortes pressions pour réduire les coûts opérationnels.

Dans une interview accordée à la Harvard Business Review, dans le numéro de juillet/août 2010, il a expliqué que le défi consistait à « parvenir à préserver et à optimiser l’intégrité de la seule ressource dont nous disposons en tant qu’entreprise : nos valeurs, notre culture, nos règles de conduite et la confiance dont nous bénéficions auprès de notre personnel ». À l’inverse, peu après la fusion de BP et d’Amoco à la fin des années 1990, l’entreprise a lancé une nouvelle marque. Ainsi, le redoutable logo de torche et de cadre ovale d’Amoco a été remplacé par le logo Helios de BP.

Nommé d’après la divinité du soleil dans la mythologie grecque, le logo a été conçu de manière à véhiculer une proximité avec la nature, les tournesols aussi bien que le soleil lui-même, comme l’indique le site web de BP. Depuis la marée noire du golfe du Mexique en 2010, BP a appris, à ses dépens, que les actes sont plus éloquents que les logos, et que c’est la culture qui fait la marque d’une entreprise. L’image de la marque BP a été entachée à tel point qu’un certain nombre des 10 000 propriétaires indépendants de stations d’essences BP envisage de reprendre la marque Amoco, malgré les couleurs «peu écologiques» du logo rouge/blanc/bleu.

Étant donné que les employés créent les idées et exécutent les processus et les échanges qui définissent l’expérience des clients, l’espace dans lequel ils effectuent ce travail fait partie intégrante de l’objectif recherché. Un espace particulièrement adapté peut permettre de répondre à toutes les aspirations d’une marque. Ces éléments ont chacun une influence sur l’autre, au sein d’une boucle continue : la marque reflète les comportements, qui reflètent la culture, qui est façonnée et renforcée par l’espace de travail. Pour créer des marques d’excellence, il faut que les attributs de ces marques se manifestent concrètement dans toute l’entreprise.

Difficile pour un employé de placer une marque au cœur de son action, si l’espace de travail ne suit pas. De la même manière que la culture et la marque permettent de concrétiser une stratégie, les espaces de travail sont essentiels pour définir et orienter la marque et la culture. Manifestation et moteur vivants de la marque, l’espace de travail n’a que très rarement été exploité au maximum de son potentiel. Mais cette tendance commence à s’inverser ; en effet, les designers et les consultants travaillent avec des entreprises pour définir les attributs de leur marque et trouver des moyens de les refléter et de les renforcer au sein de l’espace de travail. Il est bien évident que si la stratégie doit être dynamique, tendance et à l’avant-garde, l’espace de travail ne peut se contenter d’être conventionnel.

Ou bien, si la stratégie doit être transparente et accessible, l’espace de travail ne peut être compartimenté. Ou encore, si la stratégie consiste à véhiculer un sentiment de sécurité et de la stabilité, l’espace de travail ne peut promouvoir la décontraction. Ou enfin, si la stratégie consiste à s’engager en matière de développement durable, l’entreprise doit mettre en avant des valeurs de respect environnemental. En d’autres termes, l’espace de travail offre aux entreprises une chance unique de gagner en clarté, en homogénéité et en authenticité, à ce carrefour majeur entre marque, stratégie et culture.

PENSER LA MARQUE AUTREMENT : LE CONTEXTE CULTUREL

Les chercheurs de Steelcase ont commencé à étudier activement l’influence de l’espace sur la marque et la culture de l’entreprise en 1989, lorsque celle-ci a construit son «Corporate Design and Development Center» (CDC) de forme pyramidale. Ce bâtiment était un espace pilote pour tester et mettre en application, dans le cadre des recherches de Steelcase sur le soutien à apporter aux employés, au sein de l’espace de travail. Il avait été créé dans le but de promouvoir davantage de collaboration et de créativité dans la culture de l’entreprise. Le bâtiment était conçu de manière à offrir une vue sur les différents niveaux, afin d’accroître la visibilité entre les groupes de travail. De même, des escaliers avaient été installés pour favoriser des discussions spontanées, là où des ascenseurs fermés n’auraient pas permis cette liberté. Les systèmes de mobilier autonomes Context®, alors une nouveauté, étaient les premiers à intégrer l’utilisation de surfaces curvilignes pour favoriser la communication.

De plus, le CDC était l’expression vivante de l’engagement de l’entreprise en faveur du développement durable, puisqu’il est implanté sur une prairie naturelle recréée de plus de 50 hectares. En continuant à explorer la dynamique d’une culture de plus en plus collaborative, Steelcase a créé en 1996 un espace ouvert pour hauts dirigeants, concept révolutionnaire qui a été soigneusement étudié et amélioré grâce à une expérimentation continue.

L’inauguration du Learning Center de la Steelcase University en 2000 a permis des découvertes supplé- mentaires sur la relation étroite qui existe entre espace, culture et marque. Ce qui était auparavant une usine réaménagée, devint rapidement l’espace préféré des employés, baigné de lumière naturelle, pourvu de fonctionnalités « plug & play » et d’une cafétéria toujours ouverte. Étant donné que le projet EXP était en cours et que l’entreprise portait toute son attention sur une grande diversité de points de contact de la marque, Steelcase et ses partenaires dans le design ont commencé à chercher directement des espaces qui seraient capables d’influer sur les comportements reflétant les attributs souhaités de la marque. Cela ne suffisait plus d’avoir un environnement de travail haute performance ; les espaces devaient promouvoir les comportements qui permettraient aux employés de placer les valeurs de la marque au cœur de leur action.

Par exemple, les chercheurs et les concepteurs devaient étudier la dynamique existant au sein d’équipes de plus en plus disséminées. Un espace pilote a été créé à destination de l’équipe chargée de la chaîne d’approvisionnement globale de l’entreprise. Les employés sont disséminés aux quatre coins du globe, communiquent avec des vendeurs basés dans le monde entier et voyagent fréquemment pour retrouver les fournisseurs sur site. Ainsi, la collaboration a lieu sur différents fuseaux horaires et zones géographiques. Les concepteurs ont transformé un espace de 650 m² comportant des postes de travail traditionnels, séparés par des panneaux, en une communauté aménagée avec des éléments partagés.

Il n’existe désormais plus d’espaces attribués et les employés choisissent leur espace pour la journée : bureau semi-privé, espaces pour les équipes, petites salles de regroupement, espace avec des sièges type « dessinateurs », etc., tous disponibles selon le principe du « premier arrivé, premier servi ». La cafétéria, qui est placée au centre, est équipée d’isolas, de petites tables avec des sièges mobiles, d’un bar pour les rafraîchissements et d’espaces de travail conçus pour la station debout. Cinquante personnes sont ainsi devenues des employés mobiles, dans un espace prenant en charge plusieurs styles de travail et des tâches multiples, avec notamment une salle de téléprésence (vidéoconférence bi-directionnelle), des espaces partiellement fermés destinés aux équipes et des zones de détente.

À l’aide d’outils tels que la vidéo-ethnographie, les enquêtes et les entretiens, les chercheurs étudient les comportements des travailleurs et mesurent précisément les performances de l’espace. Ils ajustent ensuite l’espace pilote en fonction des éléments qui se sont avérés satisfaisants ou non. À l’instar de nombreuses entreprises, les chercheurs de Steelcase ont découvert que l’espace doit évoluer parallèlement à la marque et à la culture de l’entreprise. Cette découverte a motivé la décision de déménager du CDC pour un nouvel espace, au siège international de l’entreprise, afin de continuer à étudier de quelle manière l’espace peut exalter la culture de l’entreprise et créer une expérience positive en matière de travail et de marque. De nombreuses entreprises s’intéressent à cette question.

Forts de leur collaboration avec plus de 50 entreprises dans diverses industries, les chercheurs de Steelcase ont utilisé une méthodologie reposant sur des études qui aide les dirigeants et leurs employés à évaluer et modifier si besoin la culture de leur entreprise. Développée par Kim S. Cameron et Robert E. Quinn de l’université du Michigan, cette méthodologie, l’OCAI (Organizational Cultural Assessment Instrument – Instrument d’évaluation de la culture des entreprises), repose sur le principe selon lequel il existe quatre types de culture au sein des entreprises : clan, hiérarchie, adhocratie et marché.

Tous sont, dans une certaine mesure, présents dans toutes les organisations, et chacun essaie de s’imposer sur les autres (9). Étant donné l’influence de l’espace de travail sur la culture et donc sur la marque des entreprises, l’application de cette méthodologie peut représenter une démarche importante pour toutes les structures qui envisagent de créer un nouvel espace de travail ou de transformer l’existant. En recueillant et en compilant les données de l’OCAI, les chercheurs de Steelcase ont constaté une tendance nette : dans la majorité des entreprises, ce sont les valeurs de clan qui prédominent.

Cependant, la plupart des espaces de travail utilisés aujourd’hui illustrent la hiérarchie et des espaces compartimentés. Quelle qu’en soit la raison (réponse à la crise et aux redimensionnements, tendance sociale pour plus de réseaux sociaux, nombreuses opportunités fournies par la technologie), le résultat final est le même : les employés souhaitent désormais être connectés les uns aux autres et pouvoir travailler ensemble à proximité immédiate les uns des autres. On peut également y voir un modèle social, comparable à la migration actuelle des Américains, qui quittent de plus en plus la banlieue et ses immenses pelouses et clôtures pour les espaces plus réduits au sein des grandes villes.

 

 

UN IMPÉRATIF ABSOLU : RESTER CONNECTÉ

Avec les bouleversements qui sont en cours dans la culture et les changements dans la manière dont les gens veulent travailler, il n’est pas étonnant de voir émerger des aspects nouveaux dans la conception des espaces de  travail, pour prendre en charge ces tendances et ces nouveaux comportements. En voici quelques exemples :

Un ratio espaces de travail individuels sur espaces collaboratifs plus faible.

Désormais, les employés souhaitent disposer d’une « pièce familiale » où ils peuvent partager leurs idées et discuter de manière informelle, que ce soit en face à face ou via les nouvelles technologies. Avec des espaces plus ouverts, plus facilement configurables, les employés peuvent se retrouver spontanément et apprendre les uns des autres. La suppression ou l’abaissement des murs et des panneaux permet de créer des espaces qui favorisent les échanges fortuits et optimisent la créativité et le travail d’équipe, via des réunions et des séances de brainstorming ad hoc.

Utilisation accrue de la technologie comme outil favorisant la communication.

Les entreprises ont besoin de pouvoir facilement et rapidement relier entre elles des personnes travaillant sur des sites différents. La collaboration en temps réel et asynchrone, les outils de gestion du travail et les multiples technologies de télécommunication permettent de connecter de plus en plus efficacement des employés à distance.

Davantage de mobilité et des habitudes de travail à distance

Le désir d’une culture de clan se confronte à la réalité de la réduction de l’espace immobilier et de l’émergence de nouvelles stratégies de travail, selon lesquelles les employés effectuent leurs tâches depuis plusieurs sites : sur le lieu de travail principal, sur les sites des clients, depuis le domicile ou un « tiers lieu », etc. Ces travailleurs sont confrontés à un ensemble de défis uniques en matière de communication et de collaboration avec leurs collègues. De plus, l’espace de travail joue un rôle capital, puisqu’il peut favoriser de brefs « moments de grâce » dans les échanges entre collaborateurs, dans leurs allées et venues et dans leur pratique de stratégies « sur le travail », plutôt qu’ « au travail ». Il est important de s’assurer que l’espace de travail aide les employés à se sentir dynamiques et émotionnellement impliqués avec la marque et la culture de l’entreprise, chaque fois qu’ils sont sur site.

Les quatre profils de culture d’entreprise

La culture de clan

Il s’agit d’un espace de travail chaleureux, où les personnes s’ouvrent les unes aux autres, comme dans une grande famille. Les dirigeants sont considérés comme des mentors ou même comme des figures parentales. L’entreprise est soudée autour des valeurs de loyauté et de tradition. L’implication de tous les membres est très forte. L’entreprise souligne les avantages sur le long terme du développement des ressources humaines et attache une grande importance à la cohésion et à l’éthique.

La culture de la hiérarchie

Il s’agit d’un espace de travail très formel et structuré. Ce sont les procédures qui gouvernent le rôle de chacun. Les dirigeants se félicitent d’être de bons coordinateurs et organisateurs, prônant l’efficacité. L’essentiel étant pour eux de diriger l’entreprise de manière stable. Les règlements et politiques formels constituent le ciment de l’entreprise. La préoccupation sur le long terme concerne la stabilité et les performances, via un fonctionnement efficace et fluide. La réussite se définit en termes de fiabilité des prestations, de planification harmonieuse et de coûts bas. Les notions d’emplois stables et de prévisibilité sont au cœur des préoccupations de la direction en matière de gestion du personnel.

La culture de l’adhocratie

Il s’agit d’un espace de travail dynamique, où règnent l’entreprenariat et la créativité. Les gens n’hésitent pas à s’impliquer et à prendre des risques. Les dirigeants sont considérés comme novateurs et entreprenants. Le ciment de l’entreprise est l’engagement en faveur de l’expérimentation et de l’innovation. Tous les efforts sont entrepris pour être à l’avant-garde. La croissance et l’acquisition de nouvelles ressources sont les objectifs à long terme de l’entreprise. La réussite se mesure en produits et services nouveaux. Il est important d’être leader pour un produit ou un service. L’entreprise encourage les initiatives individuelles et la liberté d’action.

La culture du marché

Il s’agit d’une entreprise axée sur les résultats et dont la principale préoccupation est d’effectuer le travail nécessaire. Les employés se concentrent sur la compétition et les objectifs à atteindre. Les dirigeants sont des meneurs, des producteurs et des compétiteurs. Ils sont durs et exigeants. Le ciment de l’entreprise est « la gagne ». La réputation et la réussite font partie des préoccupations de chacun. L’objectif à long terme de l’entreprise est d’être compétitive et d’atteindre des objectifs et des cibles mesurables. Le succès se dé nit en termes de part de marché et de pénétration du marché. Des prix compétitifs et une position de leader sont importants. Le mode d’organisation de l’entreprise se caractérise par une concurrence acharnée

 

LA MARQUE DANS LA CONCEPTION DE L’ESPACE DE TRAVAIL

Avec l’importante croissance de la marque, de nombreuses entreprises se demandent par où commencer leur mutation. Il existe une multitude d’approches pour définir et concevoir des espaces qui soient en mesure de soutenir la marque d’une entreprise. L’approche suivante s’est avéré particulièrement efficace pour nombre d’entre elles. Il faut, en premier lieu, comprendre l’objectif de votre marque. Pour bien définir la stratégie d’un espace de travail capable de soutenir votre marque, vous devez connaître les bonnes questions à poser :

  • Quels sont les principaux objectifs de votre entreprise ?
  • Quels sont les engagements véhiculés par votre marque ?
  • Que doivent faire vos employés pour atteindre les objectifs et respecter les engagements véhiculés par votre marque ?
  • Quels comportements devez-vous encourager pour vous assurer que les employés placent bien la marque au cœur de leur action ?

Par exemple, chez Steelcase, l’objectif de l’entreprise a été défini comme suit : « continuer à être leader dans l’offre de produits et de services qui permettent de créer des espaces haute performance ». L’objectif de la marque a donc été défini ainsi : « assurer des performances reposant sur nos connaissances et être un partenaire de confiance ». Ces objectifs ont permis de comprendre que les individus au sein de l’entreprise, ont besoin d’apprendre, d’innover et de partager. Enfin, l’espace doit encourager le comportement suivant : « davantage de communication, des prises de décisions accélérées, un soutien mutuel entre les différents départements et une dynamique créative ».

L’étape suivante consiste à définir l’espace physique selon l’objectif de la marque. Après la définition des objectifs de la marque, les chercheurs de Steelcase ont mis au point un espace pilote pour les équipes de marketing et de communication, dans lequel la surface dédiée aux postes de travail individuels était réduite (de seulement 20 % du total). L’espace a ainsi été modifié pour inclure différents types de zones de collaboration, dans le but d’encourager différentes activités : des séances de brainstorming au travail en équipe, en passant par les réunions des différents départements.

Cet espace pilote comprend à la fois des espaces ouverts et fermés, une salle de vidéoconférence, un coin de détente au centre de l’espace et de nombreux espaces pour exposer les réalisations achevées et le travail en cours. Les chercheurs étudient soigneusement les différents espaces pour déterminer ceux qui sont les plus utilisés. Aucun élément n’est laissé au hasard, comme la fréquence d’utilisation d’un siège mesurée par des capteurs sensibles au poids.

La dernière étape consiste à créer une carte des communications visuelles. Cela nécessite un processus structuré, qui exige, là encore, de considérer des questions essentielles :

  • Quels sont vos principaux messages ? (aussi bien au sein de l’entreprise qu’à l’extérieur.)
  • Qu’attendez-vous des employés ?
  • Quels sentiments souhaitez-vous susciter chez eux ?

Pour éviter de créer un maelstrom de message et d’icônes associés à votre marque, définissez des zones pour les différents types de messages. Voici quelques zones principales à considérer :

  • histoire de l’entreprise
  • mission/vision
  • identité des projets/des équipes
  • personnalisation
  • nouveautés relatives à la marque

Voici quelques questions importantes à garder à l’esprit tout au long du processus :

Votre approche du design est-elle multi-facettes ?

La marque représente bien plus qu’un outil visuel. Il est certes important de communiquer les messages de la marque via les logos et autres éléments graphiques, mais cela ne constitue qu’un début. Il faut également considérer les types d’espaces offerts, la palette de couleurs, les matériaux, les flux ; chaque détail reflète les valeurs de la marque.

Le design est-il fidèle à la culture de l’entreprise ?

Un espace de travail est le lieu où l’entreprise met ses valeurs en pratique. L’espace doit refléter les principes mis en avant, et pas seulement dans les endroits publics visibles par les clients. Les attributs de la marque doivent se manifester partout pour influer sur le comportement des employés et créer la culture d’entreprise souhaitée.

Inversez-vous les priorités en ciblant d’abord les employés ?

Il est important d’identifier les comportements permettant aux employés de placer la marque au cœur de leur action. Outre la méthodologie OCAI, il existe d’autres outils d’évaluation notables pour définir la culture d’une entreprise et celle qu’elle souhaite adopter. Il s’agit là de la première étape pour s’assurer que l’espace de travail est parfaitement armé pour atteindre les objectifs de l’entreprise.

Existe-t-il des moyens de saluer et de consolider la culture de l’entreprise avec des symboles et des célébrations ?

Toutes les marques ont leurs icônes et chaque culture possède ses objets, ses traditions et ses sources d’inspiration qui peuvent et qui doivent être mis en avant. La majeure partie de l’histoire d’une marque peut être intégrée dans des éléments visuels. Les zones d’exposition, utilisées comme métonymie de la culture de l’entreprise, peuvent créer un sentiment de cohésion et d’appartenance. L’une des solutions pour y parvenir, consiste à utiliser des murs ou tout autre support pertinent, capable de consolider visuellement les messages fondamentaux de la marque et ses valeurs.

EN RÉSUMÉ

L’étude des questions relatives à la culture et à la marque d’une entreprise et leur relation à l’espace de travail n’est plus facultative ; il s’agit d’un impératif pour les entreprises qui souhaitent être compétitives sur un marché de plus en plus concurrentiel. Le temps où les entreprises pouvaient présenter une image au public et dissimuler leurs comportements derrière leurs murs est révolu. Les employés sont les ambassadeurs de la marque et ce terme n’englobe pas uniquement les cadres ou les commerciaux. Toutes les personnes qui sont au contact des clients, de quelque façon que ce soit, des employés du département des livraisons aux employés du standard téléphonique, peuvent influer sur la réputation de l’entreprise, et par là même sur la marque. Lorsqu’un employé se sent émotionnellement attaché à la marque et qu’il se considère « chez lui » au travail, alors l’entreprise est sur la bonne voie pour bâtir une culture plus riche et plus solide et une marque plus efficace et plus authentique.

REMERCIEMENTS

Steelcase mène des recherches continues sur le travail, les salariés et l’environnement professionnel et c’est précisément de ces recherches que nous tirons notre vision d’un espace de travail stratégique, favorisant la marque et la culture de l’entreprise. Nous tenons à remercier nos collègues de l’A&D pour avoir partagé avec nous leurs réactions, leurs observations et leurs idées sur les questions traitées dans ce document. Cet article n’aurait pas pu voir le jour sans les personnes suivantes, qui nous ont apporté un éclairage avisé sur ces questions. Nous exprimons toute notre gratitude à : Arna Banack, Culture-Strategy Fit Inc. Marty Festenstein, Nelson Barbara Gisel, Barbara Gisel Design Tara Rae Hill, LittleFISH Lynn Osborne, Nelson Mindy Rich, Rich Products Paul Smits, Vodafone Nous remercions tout spécialement : CoreNet Global.

NOTES DE BAS DE PAGE

1 « Brand and Culture », étude menée par CoreNet Global, en novembre 2009.
2 Ibid.
3 Ibid.
4 « The Brand Gap », de Marty Neumeier, Peachpit, une division de Pearson Education, 2006
5 « At Amazon, Marketing is for Dummies » de Spenser E. Ante, Business Week, 28 sept. 2009
6 « Marketing’s Role as Chief Customer Officer », webdiffusion sur marketingprofs.com, 28 sept. 2009
7 « The Trouble with Brands » de John Gerzema et Ed Lebar, Strategy+Business, numéro 55, été 2009
8 « Great Recession Takes Great Toll on Value of Brand Names » de Stuart Elliott, Le New York Times, 18 sept. 2009
9 « Diagnosing and Changing Organizational Culture » de Kim S. Cameron et Robert E. Quinn, John Wiley & Sons, Inc., 2006
10 « Culture’s Consequences: Comparing Values, Behaviors, Institutions and Organizations Across Nations » de Geert Hofstede, Sage Publications, Inc., 2003
11 « Steelcase Workplace Future Office Code: Building Connections Between Cultures and Workplace Design », 2009

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